vendredi 4 décembre 2009

Mobilité des concepts et des usages de l’art, de soi

[Rencontre avec Jean-Paul Thibeau]

Jean-Paul Thibeau est responsable du « méta-atelier » de l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence.


Spécifique dans son mode de fonctionnement, le « méta-atelier » est à la fois un atelier de création et un séminaire théorique, un laboratoire et une plateforme de production où les objets sont à traiter sous forme de recherches, d’expérimentations, de réalisations, de manifestations, etc.

Mét(a) est un préfixe qui exprime ici la participation, la succession, le changement.

Le but de l’atelier est donc d’aider les étudiants à comprendre que le champ de l’art et de la culture ne sont pas « ce que l’on croit », mais plutôt « ce que l’on en fait ». Cette plateforme mobile cherche ainsi à conjuguer des projets et des actions à partir des notions de « déplacement » (nomadisme, déplacement virtuel, voyage imaginaire, etc.) et des formes de « rencontre » possibles (expérimentation de divers types de communications et manifestations).


J'appartiens à l'endémique indéfinition de l'art.

L'art à mes yeux n'est ni un espace, ni un concept, ni un objet.

C'est un inexorable mouvement de résistance à l'identité.

En fait, il semblerait que je cherche une culture autre, pour changer d'espace et d'espèce.

Au discours globalisant et acculturant, je préfère les conversations des êtres, des choses et des je-ne-sais-quoi.

Au rhizome, je préfère les taches et les fragments d'entrelacs flottants.

Aux réseaux de l’art, je préfère la combinaison des métasujets et des métalieux.

Aux méthodes et pratiques avérées de l’art, je préfère des métaactivités.

À la visibilité forcenée, je préfère la discrétion, voire la disparition provisoire et contrôlée – le retour à l’errance...

À mes yeux, l'art reste toujours à être inventé – comme d'ailleurs les notions d’individu et de transmission. Ce ne sont pas des notions qui sont fixées une fois pour toutes. Ainsi, une manière de pouvoir les vivifier serait de se « déplacer » et de mettre les choses et les faits en situation d'expérience de déplacement. Il importe de se déplacer pour créer des liens, démultiplier les occasions, s’immerger dans d’autres réalités.

À chaque déplacement, trois objectifs conditionnent les itinéraires et les durées. D’abord, la rencontre des arts et cultures des autres, de manière à reconnaître l’humain visage de l’autre. Il faut se déplacer avec un minimum de moyens, en se méfiant des effets d’exotismes. Puis, il faut recueillir des matériaux, des idées, des images afin de réaliser postérieurement des métaactivités : reconstruction, interprétation des expériences, poursuite du « je-ne-sais-quoi » et de « l’hors-soi ». Dans ces déplacements, je ne cherche pas à « m’exprimer » ou à formuler une « idée ». Je m’immerge plutôt dans une expérience qui prolonge et réinterroge ce que je sais déjà, en cherchant à réinventer ma condition d’individu-en-train-de-faire-et-de-penser…

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